Les leçons de Copernic - Par Richard Prasquier, Président du CRIF

Publié le par appeldecopernic.over-blog.com

Les leçons de Copernic - (Paris  le 2/10/2010)

 

 

Par Richard Prasquier, Président du CRIF

 

Pour la première fois depuis la guerre, on avait cherché à tuer des Juifs en tant que Juifs au cœur même de Paris. Il y eut 4 morts, des passants, et 46 blessés, bien des familles dont la vie fut bouleversée, comme en témoigne le beau film de Laurent Jaoui et Jean Chichizola. Le carnage aurait été encore bien plus considérable sans un retard dans la fin de l’office, au moment où se serait déversées dans la rue plusieurs centaines de personnes. Car il y avait foule, c’était le début du Shabbat, mais aussi le soir de la fête joyeuse de Simhat Thora. L’année suivante, exactement à même fête, une bombe de pentrite encore plus puissante exploserait à Anvers devant la synagogue de la rue Hoveniers, faisant 3 morts et 106 blessés. Les terroristes s’étaient documentés sur le calendrier juif. On peut douter qu’ils aient connu également l’histoire de la France : car le 3 octobre 1980 marquait le quarantième anniversaire de la promulgation par Vichy du premier Statut des Juifs.

 

En 1980, les souvenirs restaient vivaces, Faurisson développait un chapitre nouveau de la haine envers les Juifs, celui de l’assassinat des mémoires. Cela paraissait marginal. Mais voilà qu’après l’attentat de la rue Copernic, le Premier Ministre, distinguant les cibles juives et les victimes françaises « innocentes », bourde catastrophique ou lapsus signifiant, semblait ressusciter le vieil antisémitisme « modéré », dont l’absence d’empathie est l’ingrédient principal. Et que dire d’un Président de la République poursuivant imperturbablement sa chasse en Alsace ? Beaucoup de Juifs français eurent soudain l’impression qu’ils avaient fait fausse route en pensant que le passé était vraiment « passé ».

 

Heureusement, contrastant avec l’indigence de ces responsables politiques, la réaction du peuple de Paris fut superbe: 200 000 personnes vinrent crier leur rejet de l’antisémitisme et de l’idéologie néonazie, dont un groupuscule venait de revendiquer l’attentat. L’accusation avait sa logique. Le terrible attentat de la gare de Bologne en août, celui de l’Octoberfest à Munich une semaine avant Copernic, avaient été fomentés par l’extrême-droite.

 

Mais aussi, en période préélectorale, cette incrimination était confortable pour tous: la gauche qui soudait contre ses ennemis habituels, le pouvoir qui ne tenait pas à souligner que sa politique pro-arabe ne mettait pas la France à l’abri du terrorisme proche-oriental.

 

En fait, les enquêteurs l’ont su très vite, sans que l’information fût diffusée, c’est dans les milieux Palestiniens du Liban que fut concocté l’attentat, au sein de l’un des groupuscules issus des scissions à l’intérieur du FPLP, lorsque celui-ci, en reprenant  langue avec l’OLP, risquait d’affadir la ligne terroriste qui était sa marque de fabrique. Sous la rubrique de la radicalité dans la violence, les synagogues devenaient des cibles intéressantes. Pour quel objectif ? Exprimer la haine? Faire peur aux Juifs? S’attaquer à des bâtiments mal défendus ? Déstabiliser l’Occident par l’engrenage de la répression ? Ou simplement montrer leur savoir-faire aux yeux de leurs sponsors ? Le professeur de sociologie libano-canadien, actuellement sous contrôle judiciaire, et sous le coup d’une procédure d’extradition réclamée par la France en raison des lourdes charges qui pèsent sur lui à l’égard de l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic, pourrait-il, trente ans après, donner une explication à cet acte ignoble?

 

En cette période déjà lointaine, les mouvements terroristes arabes étaient marxistes-léninistes et leur discours appelait à l’union contre Israël et les valets de l’impérialisme. Ils mondialisaient déjà leurs alliances et entrainaient  de jeunes occidentaux ou japonais dans leurs camps du Liban ou du Sud Yémen. Ils appelaient à la révolution dont la destruction d’Israël devait être le préambule et le modèle. Leurs ressources, leurs faits et gestes étaient étroitement contrôlés par les services secrets des pays de l’Est.

 

Ils n’agissaient pas au nom de l’Islam : les deux créateurs du FPLP étaient grecs-orthodoxes, les docteurs Georges Habbache et Wadie Haddad, ce dernier, génie du terrorisme, décédé deux ans avant l’attentat de Copernic.

 

A cette époque, les terroristes ne recherchaient pas la mort pour eux-mêmes, mais seulement pour les autres, ils jouissaient des plaisirs matériels et ne s’encombraient pas d’interdits religieux. Mais 1980, c’était aussi l’année où Khomeiny humiliait les américains en gardant les otages de l’ambassade, l’année de l’engagement massif des Soviétiques en Afghanistan, du début de la guerre entre l’Iran islamiste et l’Irak laïque. Le messianisme marxiste allait laisser la place au djihad. Au Moyen Orient, le terrorisme allait virer du rouge au vert de l’Islamisme extrémiste, ce que Raymond Aron fut une fois de plus l’un des premiers à comprendre, à l’encontre des divagations d’un Michel Foucault sur l’Iran. Neuf ans après le 11 septembre, nous y sommes plus que jamais. Et la haine contre Israël, volontiers déclinée vers les Juifs comme israéliens de substitution, cimente encore et toujours les alliances les plus improbables.

 

Changement radical ou variations sur un même thème ? Avons-nous tiré les leçons de Copernic ?

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